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Le festival « Reflets du cinéma » a été créé par Atmosphères 53 en Mayenne en 1997. Il se déroule chaque année au printemps dans l’ensemble du département. Comme son nom l’indique, il a pour ambition de refléter un état du monde cinématographique - et un état du monde tout court - par le biais d’une thématique chaque fois renouvelée.

La première édition, en 1997, a été consacrée au cinéma espagnol. Elle nous a permis de découvrir Tesis, le premier film prometteur d’Alejandro Amenábar, aussi bien que L’esprit de la ruche du rare et précieux Víctor Erice.

La seconde édition, autour du cinéma nordique, a été marquée notamment par une soirée spéciale Lars Von Trier, les premiers films de Thomas Vinterberg (Le garçon qui marchait à reculons, Les héros), ainsi qu’un stage mémorable conduit par Alain Bergala sur Ordet de Dreyer.

La troisième édition, « Reflets du cinéma méditerranéen », a été dominée par la présence de Théo Angelopolous en séance de clôture, mais a permis aussi la révélation des Sables mouvants, de Paul Carpita, des premiers films de Robert Guédiguian, comme Dieu vomit les tièdes, et de l’audacieuse Chronique d’une disparition d’Elia Suleiman.

Pour l’an 2000, nous avons choisi de mettre en valeur le « jeune cinéma » de tous les pays. Occasion d’une forte rencontre avec Emmanuel Finkiel, autour de Voyages, comme de la découverte d’une série de premiers et seconds films, en particulier asiatiques (The hole, de Tsai Ming-liang, After life, de Hirokazu Kore-eda).

Prélude à une édition 2001 entièrement consacrée au « cinéma d’Extrême Asie », la plus homogène peut-être, avec une concentration de grands films, comme Les démons à ma porte, Eureka, Le chant de la fidèle Chunhyang, In the mood for love, Yi Yi et tant d’autres, avec aussi une belle préparation des séances scolaires de La môme singe et Le roi des masques.

La 6ème édition, quelques mois à peine après l’attentat contre les Twin Towers, est partie à la recherche du « cinéma d’une autre Amérique ». Nous avons accueilli en séance d’ouverture l’actrice Anna Thomson et nous avons plongé à sa suite dans le cauchemar de films dérangeants, comme Sue perdue dans Manhattan, Mulholland drive, Bully, Requiem for a dream, non sans un moment d’apaisement devant le merveilleux premier film inuit, Atanarjuat.

En 2003, en compagnie de notre président d’honneur, l’écrivain Jean-Loup Trassard, nous avons exploré les « terres d’ici et d’ailleurs », c’est-à-dire le monde rural dans toute sa diversité, avec beaucoup de documentaires (Profils paysans, Être et avoir, Les terriens…), un beau film classique comme Les moissons du ciel, mais aussi, d’une manière plus inattendue, Japón ou Les harmonies Werckmeister.

La 8ème édition, l’an passé, s’est attachée au renouveau du « cinéma d’Amérique latine », avec une attention particulière pour le jeune cinéma argentin, des rencontres avec de nombreux invités comme Enrique Colina, Joel Cano, Daniel Rosenfeld… et la présentation des documentaires étonnants réalisés par des Indiens d’Amazonie dans le cadre du programme « Vidéo dans les villages ».

Au total, en 8 ans : plusieurs voyages autour du monde, le meilleur du cinéma international, plus de 250 films, des centaines de séances, des dizaines de rencontres, plus de 140 000 spectateurs.






Lorsque nous avons choisi collectivement, sur la base d’un très large consensus, le thème de la 9ème édition du festival, nous avons pris en compte tous les éléments de contexte : la vitalité d’une jeunesse issue de l’immigration et devenue française, l’expression croissante des aspirations démocratiques des populations du Maghreb, le développement des échanges culturels entre les deux rives de la Méditerranée, tout autant que les plaies mal cicatrisées d’une histoire mal partagée, marquée par beaucoup de souffrances et de malentendus, ainsi que les débats sur l’immigration, l’Islam, les conflits du Moyen Orient, les relations avec le monde arabe. Mais nous avons surtout maintenu fermement notre ligne de conduite des précédentes éditions du festival, en continuant à nous guider sur le cinéma, d’abord sur le cinéma.

Nous avons cherché d’abord à sélectionner les films d’auteurs maghrébins - ou d’origine maghrébine - qui nous paraissaient les meilleurs, en dehors de toute considération idéologique et sans préjugé des formats, des genres et des styles. Si ces films, en cassant les clichés, contribuent aussi à renouveler nos regards sur les populations du Maghreb, les jeunes issus de l’immigration, l’Islam ou l’héritage de la guerre d’Algérie, tant mieux ! S’ils peuvent contribuer, si peu que ce soit, à des débats citoyens, à un dialogue franc et généreux entre Français, Maghrébins et Franco-Maghrébins, nous nous en réjouissons sans réserve ! Depuis le premier film des frères Lumière, cela a toujours été la force du cinéma : nous faire voir le monde comme il est et nous permettre ainsi, peut-être, de le changer un peu.

Nous reprenons volontiers à propos du cinéma ce que Kafka disait de la littérature : un film, s’il ne se résigne pas à l’insignifiance, « doit être la hache qui brise la mer gelée en nous ».






Au travers des éditions successives du festival, nous avons pu mesurer les bouleversements technologiques en cours dans le cinéma. De plus en plus souvent, les films sont tournés et montés en numérique. Et c’est seulement au dernier stade de leur production qu’ils sont kinescopés, c’est-à-dire transposés sur pellicule de manière à être diffusés en salles. Mais un nombre croissant de films arrive dans les festivals sans kinescopage et ils y sont projetés en vidéo. S’ajoute le cas de films du patrimoine, dont les copies en pellicule ont disparu ou sont trop abîmées et qui ne sont plus disponibles que sur supports numérisés. Nous constatons nous-mêmes cette évolution depuis deux ou trois ans.

Comme nous privilégions les œuvres plutôt que les supports, l’artistique plutôt que le technologique, nous avons été amenés, cette année plus encore que les précédentes, à retenir dans notre programmation des films sans copie 35 mm. Il s’agit en l’occurrence des films Algérie, la vie quand même, Et les arbres poussent en Kabylie, Algéries, mes fantômes, Aliénations, Avoir 20 ans dans les Aurès, Quand les hommes pleurent et de l’ensemble du programme de la soirée de Bonchamp. Nous avons pris nos dispositions pour que tous ces films soient vidéo-projetés, dans les salles de cinéma ou en d’autres lieux, dans les meilleures conditions possibles d’image et de son.






Chaque édition des Reflets est l’occasion de nouveaux partenariats et permet d’ouvrir de nouvelles perspectives.

Le service du patrimoine départemental a ainsi souhaité entrer en résonance avec notre festival. En coopération avec Frédérique Chapuis (journaliste à Télérama, critique photographique et commissaire d’exposition aux Rencontres photographiques de Bamako) et l’association Marie-Louise & Fils (qui rassemble des professionnels français de la photographie du plus haut niveau), il se prépare à accueillir au château de Sainte Suzanne pas moins de 3 expositions sous le titre commun « T’saouar : photographes du Maghreb ». La manifestation sera inaugurée le 17 mars, en présence d’un des photographes exposés, Daoud Aoulad-Syad, qui se trouve être aussi l’auteur du film Tarfaya, qui sera projeté deux jours auparavant en séance d’ouverture de notre festival à Laval.

De même, l’association culturelle Le Kiosque a décidé de centrer son festival « Lézard nomade », les 10 et 11 avril à Mayenne, sur le Maroc. A partir de cette initiative, d’autres associations et structures de la Haute Mayenne (communautés de communes, écoles de musique, bibliothèques, Les 3 Eléphants, Au foin de la rue…) se sont regroupées pour développer, avec Le Kiosque et Atmosphères 53, le projet ambitieux de « Maroc en Haute Mayenne », qui comprend notamment plusieurs résidences d’artistes et une rencontre d’écrivains à la Médiathèque Jean-Loup Trassard de Mayenne. En point d’orgue, « Le bus des génies ? », création multimédia du collectif « Le Caravansérail » co-réalisée par Sylvain Grolleau et Pierre Guicheney, tournera en Haute Mayenne avec une troupe de 11 musiciens et initiés Gnawa, menée par le maître de musique Hamida Bousso et Fatna Adnane, maîtresse du culte des génies.

Enfin, d’autres initiatives ont émergé ailleurs en Mayenne : une lecture théâtrale par le Théâtre du Tiroir à la mairie de Laval, une rencontre d’écrivains à la librairie M’Lire, une exposition de photographies de l’association (Em)prise de vues à la maison de quartier des Pommeraies, diverses animations dans les rues et les quartiers de Laval, notamment avec l’association Cap Vers, un atelier d’écriture de scénario dans le pays de Loiron, une exposition ethnographique de Germaine Tillion, en coopération avec le Théâtre de l’Echappée, dans le hall de la mairie de Château-Gontier…

Cinéma, photographie, musique, danse, poésie, littérature, ethnographie, théâtre, multimédia : en mars et avril 2005, le Maghreb s’invite donc en Mayenne pour un bouquet de manifestations exceptionnelles.


Antoine Glémain, directeur d'Atmosphères 53